La maladie du charbon
Articles de l'AFP
Article de l'AFP du 10/10/2001 à 18:52
La maladie du charbon
La maladie du charbon (l'anthrax des anglo-saxons), dont deux cas ont été découverts, et un possible troisième, aux Etats-Unis, est une maladie des animaux, surtout des ruminants, habituellement transmise à l'homme par contact avec les bêtes ou leurs produits. Mise à part l'hypothèse d'un acte criminel, l'homme s'infecte généralement par la peau et la vaste majorité des cas de charbon dans le monde sont contractés par voie cutanée. Viennent ensuite les formes digestives, par le biais d'ingestion de viande contaminée. Dans ce dernier cas, le bacille n'est pas généralement sous forme de spores, et peut alors être sensible à la cuisson. Le germe, Bacillus anthracis, responsable de cette zoonose, produit des toxines. Sous forme de spores (encapsulés), ces bactéries résistent à la destruction et peuvent survivre pendant des décennies dans le sol infecté (les "champs maudits" dans la tradition paysanne) par exemple par l'enfouissement de cadavres de bêtes atteintes.
La période d'incubation dure généralement entre 3 et 5 jours mais peut être beaucoup plus courte. Dans les formes pulmonaires, des incubations (ou du moins la persistance des spores dans l'appareil respiratoire) beaucoup plus longues ont été évoquées (jusqu'à 30 voire 60 jours).
L'inhalation de spores peut provoquer un charbon pulmonaire, la forme la plus redoutable de cette maladie, un temps surnommée maladie des trieurs de laine. Selon son état de santé, le sujet est plus vulnérable comme lorsqu'il est déjà porteur d'une infection pulmonaire. La forme cutanée est marquée par la formation d'une pustule rouge, qui évolue vers une escarre noire. Elle peut s'accompagner de malaise, de fièvre, de douleurs musculaires, de nausées... Au début, les symptômes de la forme pulmonaire rappellent ceux d'une grippe. La fièvre n'est pas toujours présente. Assez rapidement apparaît une détresse respiratoire, le malade devient bleu (cyanose) et peut sombrer dans le coma. Une atteinte cérébrale (méningo-encéphalite hémorragique) peut survenir ainsi qu'un charbon digestif avec destruction (nécrose) hémorragique de tissus. Septicémie (infection généralisée sanguine) et choc toxique occasionnent la mort.
Il existe des traitements antibiotiques (quinolones comme la ciprofloxacine, cyclines, pénicilline si le germe n'est pas résistant...). Mais la forme pulmonaire doit être traitée très vite. "On ne connaît pas de contamination interhumaine", selon un expert.
Louis Pasteur avait mis au point un vaccin vétérinaire contre le charbon dès 1881 et vacciné des moutons. En revanche, le vaccin existant actuellement n'est pas considéré comme un bon vaccin pour l'homme, à la fois pour des raisons d'efficacité et d'effets secondaires.
En 1979, en Russie un accident provenant d'un centre militaire avait relargué des spores occasionnant le décès de 68 personnes.
Article de l'AFP du 12/10/2001 à 19h49
La maladie du charbon : trois modes de contamination possibles
La maladie du charbon, dont un quatrième cas a été signalé vendredi à New York, peut se transmettre par inhalation, par contamination cutanée ou encore par ingestion de la bactérie. Dans les trois cas, il s'agit de la même bactérie, le Bacillus anthracis, qui pénètre l'organisme et cherche un terrain favorable à la germination. La bactérie libère ensuite des toxines fatales pour l'homme si l'organisme n'est pas traitée à temps par antibiotiques.
L'inhalation est le mode de transmission privilégié de la bactérie du charbon utilisée comme arme bactériologique, en raison de la facilité de dispersion de spores, qui peuvent gagner les voies respiratoires pour libérer leurs effets pathogènes. La forme respiratoire de la maladie a le temps d'incubation le plus long, qui peut aller jusqu'à 60 jours, selon une étude de spécialistes de la bactérie du charbon publiée en 1999 par la revue Journal of the American Medical Association.
La contamination par voie cutanée est la plus répandue dans le monde car, historiquement, l'homme s'infectait par contact avec du bétail contaminé. Mais dans le cas d'acte criminel, la transmission par voie cutanée est plus rare car elle nécessite un contact entre des spores ou bactérie et une plaie ou une coupure, le plus fréquemment sur la main ou le bras, permettant l'infection. Le temps d'incubation en cas de contamination cutanée est plus court que par voie aérienne, n'excédant pas 12 jours, selon les spécialistes.
Le dernier mode de contamination est par voie digestive, par ingestion de la bactérie via la viande ou d'autres aliments. Ce mode de transmission de la maladie est mal adapté à un acte criminel, et donc peu susceptible de ce produire dans le cas d'une attaque bioterroriste.
Les spores de la bactérie sont un vecteur de choix des armes bactériologique car ils résistent à la destruction et peuvent survivre pendant des décennies quand ils sont conservés au sec et à l'abri de la lumière.
Article de l'AFP du 13/10/2001 à 16h32
Dès 1942, Londres avait expérimenté la maladie du charbon sur des animaux
En 1942, craignant une attaque bactériologique nazie, les Britanniques se livrèrent à un test de diffusion de la maladie du charbon sur une petite île inhabitée d'Ecosse, anéantissant un troupeau de moutons et interdisant les lieux pendant près d'un demi-siècle.
Ironiquement, c'est en février 1934 -- quelques années seulement après la signature, en 1925, du Protocole de Genève bannissant l'utilisation d'armes chimiques et biologiques -- que la Grande-Bretagne commença ses recherches dans ce domaine. Le Protocole, il est vrai, n'interdisait ni les travaux sur ces armes, ni leur fabrication. En octobre 1940, le Département (de recherches) de Porton Down fut officiellement créé et la Grande-Bretagne focalisa ses recherches sur des armes pouvant être dispersées sous forme d'aérosols, destinées à détruire en priorité le bétail.
En 1942, alors que la Deuxième guerre mondiale faisait rage et que l'issue du conflit était encore incertaine, le Premier ministre de l'époque, Winston Chuchill, ordonna une expérience grandeur nature sur des animaux. Le choix se porta sur la petite île de Gruinard, située à quelques encablures du rivage, sur la côte ouest de l'Ecosse, à mi-chemin entre Ullapool et Gairloch, dans un cadre magnifique et sauvage. Une petite bombe fut chargée dans la soute d'un bombardier Wellington, qui la larga sur Gruinard, où un troupeau de moutons avait été rassemblé. La bactérie du charbon, sous sa forme sporulée, fut dispersée sur toute l'île et, trois jours plus tard, les premiers moutons moururent.
Selon des documents officiels, rendus publics une quarantaine d'années plus tard, l'expérience fut jugée satisfaisante. Militaires et chercheurs arrivèrent à la conclusion que des munitions porteuses de germes de la maladie du charbon pourraient également être utilisées contre des populations et rendre des villes inhabitables "pendant plusieurs générations". L'île fut placée en quarantaine immédiatement après le test et ce n'est qu'en 1986 que le gouvernement britannique décida un coûteux (500.000 livres de l'époque) et complexe chantier de décontamination. Gruinard fut arrosée avec 280 tonnes de formaldéhyde dilué dans quelque 2.000 tonnes d'eau de mer tandis qu'à plusieurs endroits, la terre était ramassée en surface et placée dans des conteneurs scellés.
Pour prouver que la situation était redevenue normale et que tout risque d'infection était écarté, un troupeau de moutons fut introduit sur l'île et placé sous la surveillance d'un organisme indépendant. Le 25 avril 1990, un secrétaire d'Etat à la Défense, Michael Neubert, se déplaça à Gruinard pour, symboliquement, retirer le dernier panneau de quarantaine. Tout le monde, cependant, ne prit pas pour argent comptant les explications officielles et un archéologue respecté, le Pr Brian Moffat, émit de sérieux doutes sur l'efficacité réelle de cette décontamination. Dans un entretien avec le journal écossais Glasgow Herald, le Pr Moffat assura avoir retrouvé, au cours d'autres travaux, des spores de la batérie de charbon ayant survécu plusieurs centaines d'années. "Je n'irais pas me promener à Gruinard", affirma-t-il. "C'est une bactérie très résistante et mortelle".
Dans les années 50s et 60s, en pleine Guerre froide, les Britanniques se livrèrent à d'autres expériences, inoffensives mais ultra-secrètes, pour évaluer l'impact qu'aurait une éventuelle attaque biologique sur la population. Le Guardian révélait ainsi vendredi dernier qu'en 1963 et 1964, des spécialistes dispersèrent dans le métro de Londres des particules de poudre simulant celles de la maladie du charbon mais sans danger pour la population. Les conclusions furent terrifiantes: répandues à la station de Tooting Broadway, au sud de la capitale, les spores microscopiques furent retrouvées jusqu'à celle de Camden Town, quelque 16 kilomètres plus au nord.
Article de l'AFP du 18/10/2001 à 13h33
Charbon: un bacille facile à faire vivre
Vraies aux Etats-Unis, infondées pour l'instant dans le reste du monde, les alertes au charbon sont d'autant plus prises au sérieux que le redoutable bacille de la maladie n'est ni très difficile à trouver, ni très difficile à cultiver, soulignent les experts. La menace n'est d'ailleurs pas franchement nouvelle : dès février 1999, Louis Freeh, l'ancien directeur du FBI, estimait que la police fédérale américaine devait faire face "presque tous les jours à une lettre de menace d'attentat à la bactérie du charbon". "Le charbon, est une maladie endémique dans beaucoup de pays et il existe plus de cent laboratoires vétérinaires travaillant sur des souches du bacille", a souligné mercredi à l'AFP Olivier Lepick, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et auteur de deux "Que Sais-Je?" sur les armes chimiques et biologiques.
Les sources d'approvisionnement ne manquent pas : un animal malade ou un site contaminé, un de ces "champs maudits" connus de tous les cultivateurs pour avoir servi de fosse commune. Les terroristes pourraient aussi voler une souche du bacille, voire bénéficier de la complaisance d'un Etat ayant mené un programme de recherche en ce domaine. Toutefois, sauf dans ce dernier cas, il est probable que l'arme resterait très primaire. Car, souligne Olivier Lepick, entre des envois de lettres piégées comme à New York, à Washington, et en Floride, et des attentats à grande échelle, il existe "un fossé technologique" qui, semble-t-il, n'a pas encore été comblé.
Pour faire pire, il faudrait - comme l'ont fait les Russes - "militariser" la souche naturelle : la rendre plus pathogène, plus résistante aux antibiotiques et disposer d'un vecteur (obus, missile) capable de la diffuser efficacement. Et c'est là, semble-t-il, que le bât blesse. Car s'il est aisé de nourrir et de faire vivre le bacille, il faut, pour être efficace, maîtriser la taille des spores (les espèces de carapaces très résistantes dans lesquelles s'abritent les bacilles). "Si elles sont trop grosses, elles vont être stoppées par notre organisme (pilosité nasale, cils bronchiques), si elles sont trop petites, elles rentreront dans les poumons mais pourront tout aussi bien en ressortir", explique Olivier Lepick. Une fois cet obstacle passé, il faudra aussi trouver l'aérosol permettant de diffuser le poison à hauteur d'homme. Trop léger, il serait dispersé en altitude. Trop lourd, il tomberait à terre et serait piétiné.
Tout ce travail ne peut évidemment pas se faire dans un coin de cuisine : "Il faut posséder une certaine expertise en bactériologie et un bon équipement car travailler sur des bacilles du charbon impose des précautions importantes - hottes, tenues de protection - pour éviter la contamination des manipulateurs", a indiqué à l'AFP le Pr Thierry Debord, médecin-chef dans le service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital militaire Begin, à Saint-Mandé. "Malgré les moyens dont elle disposait - 30 à 35 millions de dollars, selon Olivier Lepick - la secte japonaise Aum n'a jamais réussi ses essais de dispersion de la toxine botulique et du bacille du charbon" , rappelle le Pr Debord.
Dans un rapport de 1999, "Terrorisme chimique, biologique, radiologique et nucléaire", les services de renseignement canadiens relevaient déjà que "la fabrication d'un agent neurotoxique efficace - même s'il s'agit d'un agent dont la "recette" est bien connue - n'est pas aussi facile qu'on pourrait généralement le croire". Ils jugeaient toutefois le risque "à la fois considérable et croissant" en raison de "l'émergence de groupes comme les sectes apocalyptiques, les extrémistes de droite et les groupes d'extrémistes islamiques dont l'objectif est de causer le plus de dommages et de perturbations possibles à un peuple ou à un système qu'ils jugent particulièrement odieux".
Article de l'AFP du 18/10/2001 à 9h19
La maladie du charbon et sa contamination
La maladie du charbon (l'anthrax des anglo-saxons) est une maladie des animaux, surtout des ruminants, habituellement transmise à l'homme par contact avec les bêtes ou leurs produits. Cette maladie peut se transmettre par inhalation, par contamination cutanée ou encore par ingestion de la bactérie. Dans les trois cas, il s'agit de la même bactérie, le Bacillus anthracis, qui pénètre l'organisme et cherche un terrain favorable à la germination. La bactérie libère ensuite des toxines fatales pour l'homme si l'organisme n'est pas traité à temps par antibiotiques.
L'inhalation est le mode de transmission privilégié de la bactérie du charbon utilisée comme arme bactériologique, en raison de la facilité de dispersion de spores, qui peuvent gagner les voies respiratoires pour libérer leurs effets pathogènes. La forme respiratoire de la maladie a le temps d'incubation le plus long, qui peut aller jusqu'à soixante jours, selon une étude de spécialistes de la bactérie du charbon publiée en 1999 par la revue Journal of the American Medical Association (JAMA).
La contamination par voie cutanée est la plus répandue dans le monde car, historiquement, l'homme s'infectait par contact avec du bétail contaminé. Mais dans le cas d'acte criminel, la transmission par voie cutanée est plus rare car elle nécessite un contact entre des spores ou bactérie et une plaie ou une coupure, le plus fréquemment sur la main ou le bras, permettant l'infection. Le temps d'incubation en cas de contamination cutanée est plus court que par voie aérienne, n'excédant pas douze jours, selon les spécialistes.
Le dernier mode de contamination est par voie digestive, par ingestion de la bactérie via la viande ou d'autres aliments. Ce mode de transmission de la maladie est mal adapté à un acte criminel, et donc peu susceptible de ce produire dans le cas d'une attaque bioterroriste.
Les spores de la bactérie sont un vecteur de choix des armes bactériologiques car ils résistent à la destruction et peuvent survivre pendant des décennies quand ils sont conservés au sec et à l'abri de la lumière. Le germe, Bacillus anthracis, responsable de cette zoonose, produit des toxines. Sous forme de spores (encapsulés), ces bactéries résistent à la destruction et peuvent survivre pendant des décennies dans le sol infecté (les "champs maudits" dans la tradition paysanne) par exemple par l'enfouissement de cadavres de bêtes atteintes.
La période d'incubation dure généralement entre trois et cinq jours mais peut être beaucoup plus courte. Dans les formes pulmonaires, des incubations (ou du moins la persistance des spores dans l'appareil respiratoire) beaucoup plus longues ont été évoquées (jusqu'à trente voire soixante jours). Une atteinte cérébrale (méningo-encéphalite hémorragique) peut survenir ainsi qu'un charbon digestif avec destruction (nécrose) hémorragique de tissus. Septicémie (infection généralisée sanguine) et choc toxique occasionnent la mort.
Il existe des traitements antibiotiques (quinolones comme la ciprofloxacine, cyclines, pénicilline si le germe n'est pas résistant...). Mais la forme pulmonaire doit être traitée très vite."On ne connaît pas de contamination interhumaine", selon un expert. Louis Pasteur avait mis au point un vaccin vétérinaire contre le charbon dès 1881 et vacciné des moutons. En revanche, le vaccin existant actuellement n'est pas considéré comme un bon vaccin pour l'homme, à la fois pour des raisons d'efficacité et d'effets secondaires. En 1979, en Russie un accident provenant d'un centre militaire avait relargué des spores occasionnant le décès de soixante-huit personnes.
Article de l'AFP du 20/10/2001 à 16h49
Charbon: multiples mises en garde contre la ruée sur les antibiotiques
Les mises en garde se multiplient dans le monde contre la ruée
irraisonnée sur les antibiotiques, notamment sur la plus médiatisée d'entre
eux la ciprofloxacine, depuis la découverte de cas de charbon avérés aux Etats-Unis.
Au nombre des dangers engendrés par cet engouement figurent des effets secondaires
indésirables (risque de convulsions, de rupture de tendon, allergies), le risque
de gaspiller des réserves de médicaments stratégiques contre le bioterrorisme,
et, pour le pire, la résistance des germes qui laisserait les médecins désarmés.
Médecins et autorités sanitaires tentent de parer à cette frénésie médicamenteuse
et à la tendance à stocker, voire à consommer sous le coup de la panique, les
précieuses molécules dans le plus grand désordre. "Un mauvais usage peut entraîner
une résistance aux médicaments, ce qui signifie que les antibiotiques les plus
puissants ne permettront plus de traiter la maladie", a averti le Dr David Heymann,
directeur exécutif pour les maladies transmissibles de l'OMS de Genève. L'American
médical association (HAMA) vient aussi de réitérer ses mises en garde contre
ces "pratiques potentiellement dangereuses". "La prise désordonnée d'antibiotiques
conduits inévitablement à la sélection de germes résistants", répètent inlassablement
les experts comme le Dr David Livermore, de Londres.
Devant la montée des commandes de ces antibiotiques, les fluoroquinolones, stratégiques
dans la lutte contre le bioterrorisme, le ministre délégué à la Santé, Bernard
Kouchner, a lancé un "appel au civisme et à la responsabilité" des médecins
et des pharmaciens. La France, et d'ailleurs aucun pays, "ne peut prendre le
risque de gaspiller ses stocks", a déclaré le ministre jeudi soir devant la
presse médicale et pharmaceutique.
Alternatives thérapeutiques
Faute d'une baisse rapide des prescriptions dans les semaines
qui viennent, des mesures restrictives pour mettre fin à cette dérive pourraient
être prises, a menacé le ministre. "La première réponse thérapeutique à cette
menace (NDLR: bioterroriste) est l'utilisation des fluoroquinolones. Nous ne
pouvons donc prendre le risque de gaspiller nos stocks de fluoroquinolones (ciprofloxacine,
ofloxacine, lévofloxacine) par la constitution de réserves individuelles de
précaution ou par leur utilisation dans des indications où il existe des alternatives
thérapeutiques", a-t-il souligné. "En situation d'urgence, ces trois molécules
(ciprofloxacine, ofloxacine et lévofloxacine) sont recommandées dans la maladie
du charbon ou pour d'autres agents (peste et tularémie), susceptibles également
d'être utilisés comme armes biologiques", selon le Pr Jean-Hughes Trouvin, de
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
En France, les laboratoires Bayer et Aventis qui commercialisent ces antibiotiques
ont déjà décidé de restreindre leur livraison aux pharmacies. "Il appartiendra
aux médecins bien sûr, d'expliquer et de rassurer les patients sur les raisons
de ces choix et d'éviter ainsi tout mouvement de panique chez les patients qui
ne se verraient pas prescrire le produit demandé", a expliqué Bernard Kouchner.
Les germes résistants aux antibiotiques sont impliqués dans la mort de quelque 80.000 Américains chaque année.
Article de l'AFP du 21/10/2001 à 11h01
Bernard Kouchner en appelle au "civisme" et au "patriotisme thérapeutique"
Bernard Kouchner en appelle au "civisme" des Français" face à la multiplication des alertes au charbon et au "patriotisme thérapeutique" des médecins pour qu'ils ne prescrivent des antibiotiques contre le bacille du charbon qu'en cas d'"absolue nécessité". Dans un entretien au "Journal du Dimanche", le ministre délégué à la Santé réitère ainsi ses appels à la raison auprès du public et des médecins. Le ministre rappelle "qu'à ce jour, il n'y a en France aucun cas avéré de maladie du charbon".
Bernard Kouchner déplore "l'énergie perdue face à ces criminelles fausses alertes" et précise qu'il y a eu "dans la seule journée de jeudi 18 octobre, 360 enveloppes et colis suspects dans 58 départements!" Le ministre "en appelle au civisme des Français" pour que cesse ces actes "criminels et stupides". Selon lui, le plan Biotox est suffisamment adapté, même s'il existe "quelques difficultés ici ou là".
Le ministre précise qu'"à Paris, les 7.000 hommes des brigades des sapeurs-pompiers et du Laboratoire central de la Préfecture de police interviennent en première ligne en cas d'alerte", soutenus par "quatre équipes spécialisées créées" par le préfet de police. Ces dernières ont pour mission de sécuriser les plis et les colis suspects pour les acheminer "vers les deux laboratoires, l'un civil, l'autre militaire, de la région parisienne qui sont chargés des analyses. D'autres laboratoires sont prévus", indique-t-il.
Article de l'AFP du 23/10/2001 à 16h46
La maladie du charbon et sa contamination
La maladie du charbon (l'anthrax des anglo-saxons) est une maladie des animaux, surtout des ruminants, habituellement transmise à l'homme par contact avec les bêtes ou leurs produits. Cette maladie peut se transmettre par inhalation, par contamination cutanée ou encore par ingestion de la bactérie. Dans les trois cas, il s'agit de la même bactérie, le Bacillus anthracis, qui pénètre l'organisme et cherche un terrain favorable à la germination. La bactérie libère ensuite des toxines fatales pour l'homme si l'organisme n'est pas traité à temps par antibiotiques. L'inhalation est le mode de transmission privilégié de la bactérie du charbon utilisée comme arme bactériologique, en raison de la facilité de dispersion de spores, qui peuvent gagner les voies respiratoires pour libérer leurs effets pathogènes.
La forme respiratoire de la maladie a le temps d'incubation le plus long, qui peut aller jusqu'à soixante jours, selon une étude de spécialistes de la bactérie du charbon publiée en 1999 par la revue Journal of the American Medical Association (JAMA). La contamination par voie cutanée est la plus répandue dans le monde car, historiquement, l'homme s'infectait par contact avec du bétail contaminé. Mais dans le cas d'acte criminel, la transmission par voie cutanée est plus rare car elle nécessite un contact entre des spores ou bactérie et une plaie ou une coupure, le plus fréquemment sur la main ou le bras, permettant l'infection.
Le temps d'incubation en cas de contamination cutanée est plus court que par voie aérienne, n'excédant pas douze jours, selon les spécialistes. Le dernier mode de contamination est par voie digestive, par ingestion de la bactérie via la viande ou d'autres aliments. Ce mode de transmission de la maladie est mal adapté à un acte criminel, et donc peu susceptible de ce produire dans le cas d'une attaque bioterroriste. Les spores de la bactérie sont un vecteur de choix des armes bactériologiques car ils résistent à la destruction et peuvent survivre pendant des décennies quand ils sont conservés au sec et à l'abri de la lumière. Le germe, Bacillus anthracis, responsable de cette zoonose, produit des toxines. Sous forme de spores (encapsulés), ces bactéries résistent à la destruction et peuvent survivre pendant des décennies dans le sol infecté (les "champs maudits" dans la tradition paysanne) par exemple par l'enfouissement de cadavres de bêtes atteintes. La période d'incubation dure généralement entre trois et cinq jours mais peut être beaucoup plus courte. Dans les formes pulmonaires, des incubations (ou du moins la persistance des spores dans l'appareil respiratoire) beaucoup plus longues ont été évoquées (jusqu'à trente voire soixante jours). Une atteinte cérébrale (méningo-encéphalite hémorragique) peut survenir ainsi qu'un charbon digestif avec destruction (nécrose) hémorragique de tissus. Septicémie (infection généralisée sanguine) et choc toxique occasionnent la mort.
Il existe des traitements antibiotiques (quinolones comme la ciprofloxacine, cyclines, pénicilline si le germe n'est pas résistant...). Mais la forme pulmonaire doit être traitée très vite."On ne connaît pas de contamination interhumaine", selon un expert. Louis Pasteur avait mis au point un vaccin vétérinaire contre le charbon dès 1881 et vacciné des moutons. En revanche, le vaccin existant actuellement n'est pas considéré comme un bon vaccin pour l'homme, à la fois pour des raisons d'efficacité et d'effets secondaires. En 1979, en Russie un accident provenant d'un centre militaire avait relargué des spores occasionnant le décès de soixante-huit personnes.
Article de l'AFP du 24/10/2001 à 9h11
La bactérie trouvée dans la lettre au NYTimes est le "Bacillus cereus"
La bactérie trouvée dans une lettre suspecte reçue à Rio de Janeiro par le correspondant du New York Times est le "Bacillus cereus", une bactérie du même groupe que le bacille du charbon mais qui n'est pas dangereux pour la santé de l'homme, selon les autorités sanitaires mardi. C'est pourquoi elle a été confondue dans les tests préliminaires avec le "Bacillus anthracis" de la maladie du charbon.
Les analyses de la culture ont montré ensuite qu'il ne s'agissait que du "Bacillus cereus". Le bacille 'cereus' se trouve dans l'environnement (poussière et sol) et infecte les bovins en provoquant une inflammation des mamelles. Il peut infecter les êtres humains à travers l'ingestion d'aliments contaminés, mais entraine seulement une infection intestinale qui se soigne en deux ou trois jours, selon une scientifique de la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz), Keyla Marzochi au Jornal do Brasil.
Vendredi soir, un communiqué du quotidien américain avait annoncé "qu'une analyse préliminaire suggérait la présence de la bactérie ou de spores qui pourraient être le bacille du charbon" dans la lettre, envoyée le 5 octobre de New York, selon les autorités brésiliennes. La Fondation d'Etat pour la santé du Brésil (Funasa) avait déclaré qu'il y avait des "soupçons que la substance soit le bacille du charbon".
Samedi matin, --au lendemain de l'arrivée du bacille du charbon dans le pays voisin, l'Argentine-- la chaine de TV en continu Globo News avait semé l'émoi en annonçant que le ministre de la Santé devait confirmer officiellement la présence du bacille du charbon dans la lettre suspecte au New York Times. Mais peu après, arrivait le démenti officiel: "A la différence de la poudre trouvée (dimanche dernier) dans l'avion de la Lufthansa, les tests préliminaires sur celle trouvée dans la lettre ont détecté une bactérie, mais les tests approfondis ont montré que ce n'était pas le bacille du charbon", déclarait le ministre brésilien de la Santé, M. José Serra, en ajoutant qu'elle serait identifiée au cours des prochains jours. Au Brésil, il y a plus de 30 ans qu'aucun cas de la maladie du charbon n'a été enregistré dans le bétail.
Depuis dimanche dernier quand a surgi la première alerte de poudre blanche dans un avion de la Lufthansa, arrivé de Franckfort à Rio, 68 échantillons de poudre suspecte ont été soumis à des tests à la Fiocruz et 43 ont déjà des résultats négatifs définitifs, a indiqué la Fiocruz mardi. A Sao Paulo, l'institut Adolfo Lutz, le seul avec la Fiocruz a réaliser des analyses en laboratoire sur le bacille du charbon au Brésil, a reçu une quarantaine d'échantillons et tous les tests conclus jsuqu'à présent ont été négatifs également.
Article de l'AFP du 23/10/2001 à 20h
Des scientifiques éclairent les mécanismes d'action de la toxine du charbon
Deux équipes de chercheurs américains viennent de mettre en évidence les mécanismes permettant à la toxine de la maladie du charbon de pénétrer à l'intérieur des cellules humaines puis d'éviter les attaques lancées par le système immmunitaire. Ces recherches pourraient déboucher sur de nouvelles approches, voire de nouveaux médicaments, permettant de traiter la maladie du charbon, estiment les deux équipes dans la revue scientifique britannique Nature. Compte-tenu du contexte international, l'hebdomadaire a décidé d'avancer de deux semaines la date de publication des deux articles. L'équipe conduite par John A.T Young, de l'université de Madison (Wisconsin) a découvert l'existence d'un récepteur situé sur la surface des cellules humaines à partir duquel la toxine les envahit : une partie de la toxine, un antigène protecteur (PA) se fixe sur ce récepteur puis pénétre à l'intérieur de la cellule. Les chercheurs ont cloné ce récepteur et constaté qu'il collait parfaitement à l'antigène protecteur. Ils ont aussi constaté qu'une version soluble de ce récepteur de PA absorbait la toxine et protégeait donc les cellules. Cette recherche "permet d'espérer le développement de nouvelles approches pour traiter la maladie du charbon", écrivent les auteurs des travaux.
Probablement trois morts.
Dans un autre article, Robert Lliddington de l'Institut Burnham,
à La Jolla (Californie), montre comment une autre partie de la toxine, le facteur
mortel (lethal factor, LF), semble capable, au début de l'infection, de réduire
ou de retarder la réponse immunitaire puis, à des stades plus avancés de la
maladie, de provoquer la "lyse" (la fragmentation et la désintégration) des
macrophages chargés de la défense de l'organisme. Ces observations montrent,
selon les chercheurs, que cette protéine est "cruciale dans la pathogénèse"
de la maladie et qu'elle pourrait constituer une cible de choix pour des agents
thérapeutiques capables de bloquer l'activité du LF et donc de laisser les macrophages
faire leur travail de nettoyage du sang.
La maladie du charbon, qui a probablement tué trois personnes aux Etats-Unis
et au total touché onze personnes, peut se transmettre par inhalation, par contact
cutané ou par ingestion. L'inhalation est le mode de transmission privilégié
du bacille du charbon. Une fois inhalées, les spores - la carapace dans laquelle
se protège le bacille - vont se loger dans les alvéoles pulmonaires puis passent
dans les ganglions du thorax où elles se réveillent, se multiplient et produisent
des toxines qui, à leur tour, se propagent, jusqu'au cerveau.
Si elle n'est pas traitée la maladie - qui ne se transmet pas d'homme à homme
- est mortelle, dans 90 % des cas. Son incubation peut prendre jusqu'à deux
mois et les premiers symptômes - fièvres frissons, douleurs musculaires - ressemblent
à une grippe ou une bronchite.