Le syndrome du burn-out
Le
terme de burn-out se réfère à une perte progressive d’idéal, d’énergie et de
motivation, dont les personnes exerçant des professions aidantes peuvent
souffrir en raison de leurs conditions de travail.
Ce
syndrome peut résulter des paramètres suivants :
-
formation insuffisante ;
-
surcharge de clientèle ;
-
excès d’heures supplémentaires ;
-
rémunération insuffisante ;
-
ingratitude des patients ;
-
insuffisance des ressources ;
-
contraintes politiques et bureaucratiques ;
-
décalage entre aspirations et réalisations.
Les stades du désillusionnement
L’enthousiasme.
L’enthousiasme
caractérise la période initiale des plus grands espoirs, des attentes les plus
irréalistes, de l’énergie débordante. Durant cette période, le travail suffit à
la vie parce qu’il représente à lui seul toutes les promesses de la vie. Les
principaux dangers à cette phase sont la sur-identification avec les patients
et la dépense excessive et inefficace de sa propre énergie.
Au
stade de l’enthousiasme, on pense souvent que le travail représente toute sa
vie, qu’il est la source de toutes les gratifications. Ce mode de vie
déséquilibré s’installe comme un cercle vicieux. D’une part une conception
exagérée du travail aura tendance à oblitérer les besoins et intérêts
personnels. D’autre part, les insatisfactions de la vie privée peuvent être à
l’origine d’une glorification du travail. L’engagement excessif se nourrit de
lui-même, car plus la vie privée est
négligée, plus elle se détériore. Quand le travail aura cessé d’apporter
les satisfactions et les gratifications d’antan, la personne aidante se
trouvera alors dans une position extrêmement vulnérable.
L’identification
excessive avec les clients est le maillon principal de la chaîne qui conduit de
l’enthousiasme au burn-out. La sur-identification
provient d’un excès d’énergie et de dévouement, d’un manque de connaissance
d’expérience et d’une confusion entre besoins personnels et besoins du client.
La personne aidante ne parvient pas à clairement définir son propre rôle ni
celui du client.
Le problème que rencontrent
les personnes qui vouent leur vie au service de l’homme est d’être suffisamment
réalistes pour supporter des conditions de travail décourageantes sans perdre
tout idéal ni devenir indifférent.
La stagnation.
La
stagnation représente la période où le premier mouvement d’enthousiasme se
trouve enrayé. C’est la perte de cet élan d’espoir et de ce désir d’aider qui
avait poussé l’individu à s’engager dans une carrière sociale.
Durant
cette période de stagnation, l’individu continue à exercer son métier, mais
rien ne vient plus compenser le fait que ses besoins personnels - avoir un
salaire décent, être respecté pour son travail dans son milieu professionnel et
à l’extérieur, avoir des relations familiales et sociales satisfaisantes et
suffisamment de temps libre pour en profiter - ne sont pas satisfaits. Si cette
situation d’insatisfaction se prolonge, cet individu ne sera pas capable
d’exercer encore longtemps sa profession.
La
stagnation commence souvent que lorsque l’on découvre qu’il n’est pas aussi
facile que prévu de voir, et encore moins d’évaluer, les résultats de son
travail. Dans cette phase de stagnation, l’individu a le sentiment profond que
sa carrière est dans une impasse.
La frustration.
Dans
la phase de frustration, les personnes qui ont choisi de satisfaire les besoins
d’autrui s’aperçoivent qu’elles-mêmes n’obtiennent pas ce qu’elles veulent.
Elles ne font pas le travail qu’elles avaient prévu de faire. En réalité, elles
n’« aident » pas vraiment. Outre la faible rémunération, les longues
journées de travail, le bas statut social, il existe une frustration plus
fondamentale au sein des professions d’aide. Il est extrêmement difficile de
changer les gens, et cette tâche est encore plus ardue quand les conditions de
travail sont perçues de façon négative.
Le
sentiment d’impuissance ressort
principalement de l’incapacité de changer le système et d’exercer son emprise
sur les patients, les subordonnés, les supérieurs ou l’organisme directeur.
En
dépit de l’idéalisme qui pousse les individus à choisir ce type de profession,
les questions de pouvoir et d’autorité sont au cœur de la relation d’aide.
Certaines personnes se plaignent qu’elles n’ont pas assez de pouvoir, d’autres,
au contraire, pensent en avoir trop. Le défaut de réaction, l’indifférence du
système à l’égard des gens qui y travaillent sont perçus comme un manque
d’estime. Les individus à qui l’on ne confie aucune responsabilité, qui ne sont
pas consultés lors des prises de décisions et qui sont régentés par un système
bureaucratique s’imagineront certainement qu’ils ne sont pas appréciés par
leurs supérieurs ni par l’organisation dans son ensemble.
La
réaction la plus courante à la frustration consiste sans doute à ne pas
l’exprimer du tout, à l’intérioriser et à se dégager de la situation menaçante.
La personne aidante évitera les clients qui lui sont devenus antipathiques ou
qu’il n’apprécie pas ; il se sentira désespéré de ne rien pouvoir faire
pour eux, ou épuisé physiquement. Certains abandonneront leur emploi, perdront
idéal et intérêt. Certains ressentiront ensuite de la colère, protesteront, se
défendront, se ressaisiront et, finalement, reconnaîtront la substance des
choses. D’autres, malheureusement, basculeront dans la phase suivante :
l’apathie.
L’apathie.
L’apathie
prend la forme d’un détachement émotionnel progressif induit par la
frustration. Au point de départ se trouvent l’enthousiasme, l’idéalisme et la
sur-identification du débutant.
L’apathie
peut être ressentie comme une forme d’ennui. La personne aidante, jadis
idéaliste, voit son désir d’aider s’émousser et s’aperçoit qu’elle se
désintéresse de plus en plus du sort de ses patients. Ceux qui s’étaient mis en
devoir de soigner les autres finissent par ne plus s’intéresser qu’à leur
propre santé physique et mentale, à leur survie et à leur tranquillité
d’esprit.
La
forme d’apathie la plus grave et la plus attristante se manifeste quand l’individu continue de travailler uniquement
pour assurer son existence. Il a conscience de ce qui se passe, mais il n’a
aucune envie de changer quoi que ce soit. Il en
prendra certainement aucun risque s’il peut continuer comme avant, préserver
son emploi tout en faisant le minimum d’efforts. Sa sécurité est devenue la
préoccupation première.
La
personne décide de ne plus se préoccuper de rien, décision prise à l’issue
d’une période de réflexion plus ou moins longue et appuyée par ses pairs ;
Si aucune transformation personnelle majeure ne se produit, si les conditions
de travail ne sont pas profondément modifiées, ou en l’absence d’intervention
concertée, l’apathie pourra durer éternellement.
Le désespoir.
Le
désespoir est le produit ultime des conflits non résolus. C’est attendre et
espérer avec impatience qu’un événement se produise ou qu’une situation se
réalise, tout en étant profondément convaincu que rien de tout cela n’arrivera.
Quand
une personne a perdu tout espoir, elle peut se trouver au stade de la
stagnation, de la frustration ou de l’apathie. Le désespoir est un phénomène
qui fluctue, variant d’intensité d’un stade à l’autre. Son désespoir peut être
tel que la personne aidante ne verra pas d’autre issue que d’abandonner son
métier. En prise au désespoir, la personne aidante aura tendance à nier tout
sentiment et toute pensée personnels qui pourraient paraître « non
professionnels » et évitera de les dévoiler. Au contraire, elle se
comportera comme si elle contrôlait parfaitement la situation et comme si tout
allait bien. Puisqu’elle ne réussit pas à partager avec autrui ses véritables
sentiments, elle s’imagine à tort qu’elle est la seule à connaître ce genre de
problèmes. L’erreur s’accentuera par le
fait que l’individu, qui croît être le seul à éprouver de tels sentiments,
fera tout particulièrement attention à ne pas les révéler et s’efforcera de se
dissimuler derrière une façade de professionnalisme.
L’intervention
Le professionnel n’est pas responsable
des clients ni de l’organisme qui l’emploie ; il est responsable de lui-même. Cela ne
signifie pas qu’il ne s’engage pas dans son travail auprès des patients, ni
qu’il n’essaie pas de changer la marche de cet organisme. Cela veut simplement
dire qu’il est responsable de ses propres actes, non des leurs, et qu’il reste
responsable de ses actes indépendamment ce qu’ils peuvent faire ou ne pas
faire.
Quand d’autres
domaines de la vie sont protégés, l’individu est mieux armé pour affronter sa
vie professionnelle. Ce que font les gens pour fortifier leurs vies extérieures
et créer un espace de vie plus vaste varie d’un individu à l’autre. Etablir clairement une séparation entre vie
professionnelle et vie privée constitue un premier pas important. Aussi
est-il souhaitable, en dehors d temps de travail, de ne pas fréquenter trop
souvent ses collaborateurs ou des personnes travaillant dans le même domaine,
et d’éviter de s’investir dans des problèmes en relation avec sa profession.
Les relations personnelles et familiales
intimes constituent probablement le meilleur moyen d’ouvrir et d’agrandir son
univers. Développer et
entretenir ces relations demande, et crée en retour, des engagements
émotionnels et des moments de disponibilité qui empêchent l’individu de se
laisser dévorer par son travail.
Négocier avec
sa famille et ses amis proches l’espace-temps nécessaire pour un engagement
professionnel peut demander beaucoup d’efforts, mais il est également
primordial de tenir compte des besoins de chacun et de se retrouver ensemble, à
l’écart de tout ce qui peut rappeler l’univers professionnel, c’est en
respectant ces conditions que se crée une identité indépendante du travail.
L’importance
des liens personnels intimes demeure capitale et incontestable pour éviter le
syndrome du burn-out. Un individu aimé et
apprécié par sa famille n’accorde pas la même importance au fait d’être aimé et
apprécié dans ses relations professionnelles. Une personne ne se remettra
pas en cause tous les matins si sa famille ou ses amis lui manifestent un
soutien sans faille.
Parmi les
autres techniques d’intervention, on relève l’isolement social, temporaire et
organisé. Les professionnels ont besoin d’échapper de temps en temps à ceux qui
sont souvent à l’origine du stress professionnel.
La « routine de décompression » constitue
une autre alternative. Entre le moment où il quitte son travail et celui où il
rentre chez lui, l’individu peut se ménager du temps pour pratiquer une
activité individuelle, de préférence physique et non cognitive, qui lui
permettra de se détendre, de décompresser. Le fait de se retrouver seul un
instant l’aidera à se ressourcer ; il sera ensuite davantage en mesure de
se mêler à d’autres personnes, et tout particulièrement s’il s’agit d’intimes.
Certains professionnels occupent délibérément leurs temps libres à exercer des activités qui leur permettent de côtoyer des personnes normales, équilibrées et en bonne santé. Le fait d’avoir des interactions plaisantes et fructueuses avec ces personnes permet de compenser l’apparition d’attitudes négatives à l’égard des clients ou patients et de leur propre aptitude à mener à bien leur travail avec ces clients ou patients.