La communication de crise

Que sais-je ? Michel Obrizek

 

 

L’accident technologique majeur

 

Un accident n’est pas en soi une crise, c’est une urgence opérationnelle. Mais différents facteurs peuvent transformer un accident en crise.

 

La première question que se pose tout le monde et tout de suite après un accident est de « savoir ce qui s’est passé ».

Cette question clef est formulée en général en pleine incertitude sur le pourquoi de l’événement. Elle oblige néanmoins la prise de parole institutionnelle, car personne ne comprendrait que les responsables se taisent sur ce point capital. En revanche, révéler qu’on est dans l’ignorance de la nature et des circonstances initiales de l’accident, cela équivaudrait aux yeux du grand public à avouer son incompétence, ou pire, à laisser entendre qu’on cache quelque chose d’inavouable… Discuter en détail des hypothèses techniques complexes, incompréhensibles pour le commun des citoyens, ce serait ajouter de l’incertitude au doute et ouvrir la boîte de Pandorre des polémiques d’experts en tout genre.

C’est pourquoi il est essentiel de formuler très rapidement une réponse factuelle, crédible, compréhensible - satisfaisante pour les médias et le grand public - mais de telle manière qu’elle laisse le champ libre à une explication technique ultérieure plus documentée.

 

L’ampleur de l’émotion induite dans l’opinion publique est proportionnelle non seulement à l’importance de l’accident et de ses conséquences (victimes, dégâts matériels, pollution), mais aussi à l’importance du traitement médiatique qui varie en fonction d’un certain nombre de paramètres (visibilité et notoriété de l’institution victime de l’accident, volume des actualités à traiter ce jour-là). Le contexte culturel et la valeur symbolique de l’événement sont des facteurs à considérer. L’émotion événementielle est toujours traitée de façon dramatique par les journalistes. Ce terrain émotionnel est un excellent terreau pour semer les premières mises en cause institutionnelles que sont les critiques syndicales.

 

Dans ce contexte émotionnel, un personnage symbolique va faire son apparition et son témoignage va ajouter à l’émotion du moment : c’est le survivant. Le rescapé, qui a échappé miraculeusement à la mort, est une figure mythologique qui frappe l’imaginaire collectif. Il donne au drame sa dimension métaphysique en illustrant la part de destin qui existe dans toute tragédie humaine.

 

Après l’émotion, c’est l’heure des doutes, de la méfiance et des polémiques, alors que les enquêtes démarrent à peine. Les accusations visent surtout le manque de transparence de l’information émise par l’entreprise et/ou les institutions publiques impliquées dans le drame. La méfiance s’accentue considérablement quand il s’avère qu’il sera difficile, voire impossible, de retrouver les preuves objectives de l’accident. Le thème de la pollution est une autre source de doutes qui apparaît très vite en cas d’accident industriel.

 

Les mises en cause qui installent l’accident dans un climat de crise vont porter sur les conditions de survenue, la gestion du drame, le devenir du site, du produit, des activités.

 

La révélation des précédents est un des éléments les plus déstabilisants qui risque de faire basculer l’accident dans la crise. Si tout le monde comprend que le risque zéro n’existe pas, personne ne comprend qu’un même accident puisse se reproduire plusieurs fois de suite. Un accident est de l’ordre du destin, plusieurs accidents sont du domaine de la faute.

Attribuer l’accident à l’erreur humaine est une accusation extrêmement grave et la désignation d’un bouc émissaire est une attitude institutionnelle de moins en moins acceptée par l’opinion publique. De plus, le fait qu’une simple erreur individuelle puisse entraîner une catastrophe est particulièrement angoissant, car cela veut dire, en clair, que les systèmes de sécurité ne sont pas capables d’intégrer la déficience ou la malveillance humaine et d’en stopper à temps les conséquences désastreuses. En revanche, la défaillance des systèmes de sécurité automatisés et informatisés a la faveur du grand public. Mais ce type d’explication ne manque pas de réactiver aussitôt les critiques syndicales quant au sous-effectif humain et au manque de formation des équipes à ces nouveaux équipements sophistiqués.

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