Le principe de précaution
François Ewald Christian Gollier Nicolas de Sadeleer
Que sais-je ? 3596
Dans la « société de risque », le risque est vécu comme un rapport social asymétrique. Nous ne sommes pas égaux devant les risques. Certains font courir des risques aux autres, qui sont mus par des intérêts particuliers, que ce soit ceux de la découverte scientifique ou du profit économique, quand d’autres sont en situation d’avoir à les subir. Le citoyen redoute avant tout d’être placé dans ces situations intolérables où il lui faut découvrir, après coup, dans le malheur du dommage réalisé, qu’on lui a fait courir un risque dont il n’avait pas connaissance, alors que d’autres savaient ou auraient pu savoir.
Cette asymétrie produit une demande de précaution qui, si elle n’est pas traitée politiquement, le sera devant ses juges. Il s’agit, en même temps que d’une demande de protection contre les risques, d’une demande de respect de la dignité de chacun.
A partir du moment où une activité se trouve inscrite dans le champ de la précaution, on lui fait d’abord obligation de se livrer à un inventaire exhaustif des risques associés.
On a pris l’habitude de regrouper ces problèmes sous le titre de « l’inversion de la charge de la preuve » : celui qui entreprend une action doit pouvoir en décrire l’ensemble des effets, les avantages et les charges. En fait, il s’agit moins d’une inversion de la charge de la preuve que la définition des standards de recherche de risques qui peuvent être imposés selon telle ou telle activité.
Le principe de précaution, au nom des principes de participation et de transparence qui lui sont associés, appelle aussi l’organisation d’une démocratie du risque.
Informer le citoyen des risques qu’on lui fait courir, auxquels on l’expose, est bien le minimum. Une politique de précaution exclut que l’on place les personnes exposées au risque dans une situation où elles auraient à découvrir, après coup, sa présence.
Dès lors que l’information est complète, le consommateur engage sa responsabilité par le choix de sa propre exposition au risque. Sa responsabilité est la contrepartie de la transparence qu’il requiert.
Une politique de précaution ne se conçoit pas sans un dispositif de communication.
Rien n’est pire que ces situations où il faut découvrir après coup que l’on vous a fait courir un risque, que l’on connaissait, et dont on ne vous a pas informé.
La mise en œuvre du principe de transparence rencontre deux grands types de problèmes : le premier concerne la définition de l’information ; le second, la manière de la transmettre.
Retour à la liste des lectures