LA PSYCHOLOGIE DES GROUPES

Alain Blanchet Alain Trognon - Nathan Université 128

5 grandes catégories de groupes :

La foule :

         - Très faible degré d’organisation.

         - Grand nombre de participants.

         - Sujette à la contagion des émotions.

La bande :

         - Faible degré d’organisation.

         - Petit nombre de participants.

         - Animée par la recherche du semblable.

Le groupement :

         - Degré d’organisation moyen.

         - Nombre de participants variables.

         - Relations humaines superficielles.

Le groupe primaire :

         - Degré d’organisation élevé.

         - Petit nombre de participants.

         - Orienté vers des actions importantes et novatrices.

Le groupe secondaire :

         - Degré d’organisation très élevé.

         - Nombre variable de participants.

         - Déterminé par des buts et des actions planifiés.

4 fonctions marquent le degré de maturité et d’évolution d’un groupe :

La mise en commun d’un but :

- Intérêt commun intériorisé par chacun de ses membres.

- Cet intérêt en commun devient l’intérêt commun.

La définition des frontières :

- Limites qui créent un sentiment d’appartenance des membres conformes et de rejet des autres.

L’établissement de relations interpersonnelles :

- Chaque membre construit une représentation mentale des autres avec lesquels il communique personnellement.

La construction d’une organisation :

- Les membres d’un groupe prennent des rôles et des statuts différents et établissent des normes.

- L’organisation instituée peut être modifiée en fonction de la pratique du groupe.

L’intégration.

La socialisation est le « façonnage » des individus par l’intermédiaire des groupes.

Double mouvement : personnalisation et individuation.

Recherche d’un équilibre dynamique entre la ressemblance et la dissemblance avec autrui.

La personne cherche à se différencier des autres membres de son groupe d’appartenance si c’est par rapport à ce dernier qu’il doit se situer. Ceci peut s’observer par l’accentuation des différences soi-autrui au sein d’un groupe (« Je » ressemble moins aux autres qu’ils ne me ressemblent) ou par la « conformité supérieure de soi » (le désir de singularité en même temps que le désir de similitude consiste à être encore plus conforme que les autres par rapport aux normes du groupe).

La catégorisation du monde consiste à regrouper des éléments qui ont des propriétés semblables et à différencier ces éléments de ceux qui ne possèdent pas ces propriétés.

La catégorisation sociale est un processus de comparaison sociale qui met en rapport le groupe d’appartenance avec des groupes de non-appartenance.

On distingue parmi les groupes de non-appartenance :

- Les groupes de référence.

- Les groupes de non-référence.

Les groupes de référence.

Ce sont les groupes auxquels l’individu se rattache personnellement ou auxquels il aspire à se rattacher psychologiquement (ceux auxquels il s’identifie ou désire s’identifier).

C’est par rapport à son groupe de référence qu’une personne évalue ses sentiments, ses représentations, ses conduites et ses conditions de vie.

Lorsque le groupe de référence d’une personne correspond à son groupe d’appartenance, la comparaison sociale est un élément d’intégration.

Mais lorsque le groupe de référence est différent du groupe d’appartenance, la personne, comme elle tend à prendre son groupe de référence comme modèle et à adopter ses valeurs, ses représentations et ses conduites risque de se trouver rejetée de son groupe d’appartenance.

Elle sera d’autant plus isolée que son groupe de référence lui est inaccessible. Ce genre de situation entraîne une désindividualisation pouvant aller jusqu’à la « haine de soi ».

Les groupes de non-référence.

Lorsque la comparaison sociale concerne la relation entre le groupe d’appartenance et un autre groupe qui n’est pas un groupe de référence, les personnes ont tendance à accentuer les différences entre les deux groupes tout en diminuant les différences à l’intérieur de chacun de ces deux groupes.

Cependant la différenciation et l’homogénéisation des membres du hors groupe ne s’accompagne pas nécessairement d’une homogénéisation des membres du groupe d’appartenance.

Cette homogénéisation dépend de :

- la position sociale du groupe :

Plus le groupe d’appartenance est dominant et plus la différenciation intergroupe intervient parallèlement à une exacerbation des différences individuelles dans le groupe d’appartenance et inversement.

- La norme qui prévaut dans le groupe :

Si l’individualité y est valorisée, la différenciation intergroupe ne s’accompagnera pas d’une homogénéisation intra-groupe.

Les relations entre groupe

Comme l’identité sociale repose sur la différenciation intercatégorielle, toutes les situations qui la rendent plus difficile menacent l’identité sociale des personnes. C’est ce qui se passe lorsqu’un groupe devient plus perméable. On doit s’attendre à ce qu’un groupe essaye de préserver son identité en empêchant autrui d’y entrer. La discrimination, qui consiste à rendre imperméable la frontière entre le groupe d’appartenance et le ou les groupes de non-appartenance, en découle.

La discrimination est souvent rationalisée par des préjugés.

- Le favoritisme intra-groupe consiste pour les membres d’un groupe à favoriser les membres de leur groupe d’appartenance au détriment du groupe de non-appartenance.

- La compétition entre les groupes se traduit par une modification des perceptions, des sentiments et des actions vis-à-vis de l’autre groupe. La compétition intergroupe se traduit par des sentiments et des conduites hostiles vis-à-vis de l’autre groupe.

Les sentiments ressentis dans le groupe

Le sentiment de dépersonnalisation.

Face à l’anonymat, l’individu craint de perdre son identité singulière.

Sentiment fugace de perte d’identité souvent provoqué par l’absence d’objectifs communs ou par l’absence d’attachement à un leader.

Le sentiment de menace.

Lié au sentiment d’être jugé, le sentiment de menace se traduit par une crainte de l’autre, ce dernier étant identifié et localisé.

Le sentiment de dépendance.

Les individus participant à un groupe tendent à tisser des liens, à se conformer les uns aux autres, à intérioriser des règles et images communes et à se sentir appartenir à une communauté.

Cette dépendance oscille, selon le groupe entre la coopération et la fusion qui comporte le risque de l’aliénation et de perte des contours de l’identité.

La fusion serait due à une identité des émotions qui abolirait les différences individuelles. Autre nom : « esprit de corps » : les relations entre les membres du groupe sont chaleureuses, la fusion y est réciproque et la protection apportée par le groupe à chacun de ses membres y est importante.

Trois conditions pour la création de l’illusion groupale :

- bouc émissaire qui permet au groupe de déplacer l’agressivité interne sur une instance externe et ainsi de se vivre comme non conflictuel ;

- idéologie égalitariste correspondant à un projet de niveler les différences interindividuelles ;

- refus de la sexualité et de ses manifestations, à travers la séduction, l’expression de désirs ou la constitution de couples dans le groupe.

Le sentiment d’abandon.

Le sentiment d’abandon s’accompagne d’un sentiment de culpabilité.

On s’attribue la responsabilité de la séparation ou du mauvais fonctionnement du groupe.

L’intervenant extérieur dans un groupe déjà constitué :

Perçu comme un espion, l’intervenant représente une menace d’intrusion. L’intervenant cristallise l’agressivité du groupe.

Se percevant comme cobaye, le groupe redoute que l’intervenant mette à jour les faiblesses du groupe et ses infériorités.

L’influence

Dans un groupe, chacun modifie l’état de connaissance de l’autre et l’amène à adopter certains comportements qu’il n’aurait pas adopté sans cela.

Pourtant les groupes semblent résister à certaines influences, notamment celles venant de l’extérieur, et il apparaît que plus la pression externe est forte, plus la résistance est forte.

Par contre, le phénomène d’influence se développe intensément à l’intérieur d’un groupe. Ainsi lorsque la majorité d’un groupe exprime une norme commune devant une minorité ayant une norme différente, cette minorité subit une pression telle qu’elle sera amenée à changer de point de vue pour se maintenir dans le groupe. Il s’agit de l’influence dite « majoritaire ».

Si cependant cette minorité ne plie pas devant la majorité et maintient son opinion au cours des discussions et échanges de groupe, alors, sous certaines conditions, ce sera la majorité qui modifiera son point de vue. Il s’agit de l’influence dite « minoritaire ».

La résistance au changement.

La résistance au changement peut être présentée comme la tendance inhérente à tout système autorégulé à opposer une force dite de « résistance » à toute force visant de l’extérieur à en modifier la structure.

La participation à un groupe de discussion tend à désindividualiser la position des membres, contrairement à la participation à un exposé qui laisse chacun dans une position individuelle face au groupe.

La participation des membres d’un groupe à une décision tend à créer un effet d‘adhésion des membres du groupe à cette décision. Il s’agit là d’un phénomène d’influence caractéristique de la situation de groupe.

Une influence dont la source est extérieure au groupe ne peut s’exercer efficacement que si elle se trouve relayée par les participants du groupe. La discussion qui s’engage dans un groupe amène chacun à préciser ses positions et à adopter des comportements cohérents avec leur déclaration dans le groupe.

L’influence majoritaire.

Les individus membres d’un groupe tendent à construire des savoirs partagés, c’est-à-dire une représentation similaire du monde, cohérente avec des normes et valeurs communes. Cette fonction de normalisation est spontanée dans un groupe ; elle contribue à ce que chaque membre du groupe puisse s’inscrire dans un même monde de référence ; elle prépare les conditions optimales de la communication entre les membres.

L’influence majoritaire met en évidence au moins trois fonctions assumées par les groupes :

- la fonction d’affiliation : les sujets conformistes sont décrits comme des sujets coopératifs ;

- la fonction de mise en conformité : le consensus de groupe est recherché ;

- la fonction de légitimation : le point de vue majoritaire jouit du prestige de la vérité et de la norme.

Mais un certain nombre d’individus montrent une certaine indépendance et peuvent résister à la pression d’un groupe. Ces individus résistants et autonomes sont susceptibles à leur tour d’ébranler les certitudes ou le point de vue d’un groupe : c’est l’influence minoritaire.

L’influence minoritaire.

L’influence minoritaire est exercée par un individu ou un petit groupe à l’encontre de l’ensemble du groupe auquel il appartient. La minorité agissante doit appartenir au groupe et ne peut pas être déviante car elle risquerait d’être rejetée hors du groupe.

L’influence minoritaire passe par un conflit avec la majorité du groupe qui rend apparents les points de divergence et conduit à un effet de négociation. Dans ce conflit, la minorité doit faire preuve de fermeté et de constance.

Le pouvoir que le sujet s’attribue augmente son influence.

Mais la dépendance du sujet minoritaire à une autorité externe diminue voire annule sa capacité d’influencer la majorité du groupe.

L’influence du sujet ou du groupe minoritaire est d’autant plus importante que :

- il est en conflit avec la majorité ;

- il est vécu par la majorité comme appartenant pleinement au groupe ;

- il est vécu par la majorité comme indépendant, c’est-à-dire ni manipulé ni soumis à des intérêts particuliers ;

- il est constant, c’est-à-dire qu’il fait preuve de fermeté dans l’énoncé répété de ses arguments et opinions ;

- il est flexible, c’est-à-dire qu’il fait de légères concessions ;

- il expose un point de vue cohérent avec les normes latentes de la majorité.

Que ce soit l’influence majoritaire ou minoritaire, ce qui prime, c’est l’existence d’une pression à laquelle les individus ne peuvent échapper. La différence est que la pression provient soit de ceux qui sont déjà en place, soit de ceux qui veulent conquérir la place.

Dans l’influence minoritaire, le pouvoir n’est qu’une question de temps. La minorité gagne en influence lorsqu’elle réussit à s’auto-attribuer et à se faire attribuer par autrui les signes du pouvoir.

La communication dans le groupe

La communication verbale sert surtout à la transmission des informations tandis que c’est au travers de la communication non verbale que s’exprimerait la sphère relationnelle de la communication.

Les systèmes non linguistiques ont aussi un rôle stratégique. Ils permettent de transmettre des signaux ambigus dans un registre de communication dont on peut en même temps nier le contenu.

La communication implicite ou indirecte, outre qu’elle est plus riche que la communication directe, est stratégiquement très avantageuse. En cas de réussite, elle permet d’obtenir des choses sans les avoir littéralement demandées et même en déniant les avoir demandées. en cas d’échec, elle permet de ne pas entrer en conflit avec autrui et de faire comme si rien ne s’était passé.

Un réseau de communication est l’ensemble des canaux de communication existant dans un groupe.

Si les réseaux centralisés sont les plus efficaces pour les tâches simples, ce sont les réseaux tous circuits qui sont les plus performants pour les tâches complexes.

Lorsqu’ils ont toute latitude pour s’organiser, les groupes adoptent les réseaux de communication qui conviennent à la nature de la tâche qu’ils accomplissent. S’agissant de rechercher une solution à un problème, les groupes auront tendance à adopter un réseau centralisé, mais choisiront un réseau tous circuits s’il s’agit de faire preuve de créativité.

C’est l’individu qui émet le plus de communications qui en reçoit le plus. C’est l’individu qui émet le plus en direction des participants qui émet également le plus en direction du groupe. Enfin, les communications émises sont d’abord dirigées vers les individus les plus actifs et seulement ensuite vers le groupe.

La prise de décision.

La performance de l’individu serait inhibée par la présence du groupe lorsque l’individu craint une évaluation négative, et serait facilité dans le cas contraire.

Le rôle de la tache

- Les taches disjonctives sont des tâches pour lesquelles le groupe bénéficie de l’apport du membre le plus compétent. Ces tâches sont effectuées par un représentant au profit du groupe.

- Les tâches conjonctives sont des tâches pour lesquelles la production du groupe est réduite à celle de son membre de moins compétent (ex cordée d’alpinistes).

- Les tâches additives sont des tâches dont le résultat est constitué de l’addition de la production de chaque membre qui travaille indépendamment des autres.

- Les tâches élaboratives sont des tâches qui nécessitent que les membres organisent leurs contributions, choisissent les procédures et le type de résultats escomptés. La réussite du groupe ne dépend pas nécessairement de la présence d’un expert, mais de la façon dont sont organisées les contributions de chacun et la progression du groupe vers les buts.

La taille du groupe

Le rapport taille / performance d’un groupe dépend du type de tâche à accomplir.

- Tâches disjonctives et conjonctives : l’augmentation de taille du groupe accroît la probabilité d’un membre incompétent. L’efficacité du groupe est donc inversement proportionnelle à sa taille.

- Tâches additives : l’efficacité croît proportionnellement avec la taille du groupe.

- Tâches élaboratives : l’augmentation de la taille du groupe entraîne une augmentation de son stock de connaissances, une diminution de la moyenne des interventions de chaque membre et conséquemment une baisse du niveau de participation de chaque membre.

L’augmentation de la taille du groupe favorise par ailleurs la différenciation des rôles, l’insatisfaction des membres, l’apparition de conflits, l’émergence du leadership, la conformité à la majorité et inhibe le consensus des membres.

La cohésion du groupe

L’environnement du groupe joue un rôle primordial dans sa cohésion. L’atteinte des objectifs, le sentiment d’une menace venant de l’extérieur ou la compétition avec un autre groupe tendent à accroître le degré d’attraction des membres entre eux.

Tendent à augmenter la cohésion d’un groupe :

- le nombre global d’interactions,

- le nombre d’interactions positives, amicales et coopératives,

- l’influence du groupe sur ses membres,

- l’efficacité du groupe dans la réalisation de ses buts,

- la satisfaction générale de ses membres.

La cohésion améliore le moral du groupe, le sentiment de sécurité et l’opinion que les membres ont d’eux-mêmes.

Les avatars de la prise de décision

L’effet « Janis »

= phénomène dit de « pensée groupale » ou « pensée moutonnière ».

L’effet « Janis » tendrait à se constituer lorsqu’un groupe vise à établir un consensus sur la solution la plus acceptable pour sauvegarder la cohésion du groupe et éviter les discussions susceptibles d’être sources de conflit.

Un certain climat de complicité cherche à s’instaurer dans le groupe. Les membres évitent de prendre des initiatives ou de suggérer des contre-hypothèses. La solution préférée initialement par le groupe est soutenue de façon sélective.

Le groupe aveuglé par ses préjugés est victime de l’esprit de corps qui tend à étouffer toute pensée critique indépendante.

5 conditions prédisposent à cet effet :

- la cohésion élevée du groupe ;

- l’isolement par rapport au corps social ou à d’autres groupes ;

- l’absence de définition de la méthode dans le travail du groupe ;

- le leadership très directif ;

- la situation globale anxiogène et stressante.

2 symptômes principaux émergent :

- l’illusion collective : illusions de moralité, de rationalité, d’unanimité et d’invulnérabilité du groupe ;

 - la censure collective qui s’applique à soi-même et aux autres.

4 caractéristiques signent les décisions prises par effet « Janis » :

- la pauvreté de l’information recherchée ;

- les biais et les distorsions dans le traitement de l’information et la définition des objectifs ;

- l’absence de prise en compte des risques potentiels que la décision comporte ;

- le manque de recherche d’alternatives logiques et cohérentes.

Pour qu’un groupe cohésif évite cet effet, il doit accepter les divergences, les désaccords et ne pas rejeter les arguments neufs et les solutions originales.

Les conflits dans les groupes

Le conflit est productif lorsqu’il émerge dans un climat coopératif. Il a pour effets :

- d’améliorer le niveau des évaluations ;

- de produire des idées claires ;

- de réexaminer les opinions et les buts ;

- d’accroître les risques ;

- de favoriser l’acceptation des décisions par le groupe ;

- d’augmenter la cohésion profonde du groupe.

Le conflit est destructif lorsqu’il émerge dans un climat de compétition. Les activités des membres du groupe s’organisent alors selon la dimension du gain ou de la perte et tendent à rompre le développement du processus groupal. Dans ce cas, le but de chaque membre est de défaire l’opposant pour préserver son propre pouvoir et plus spécialement pour gagner.

Le climat coopératif émerge lorsque les membres placent les buts du groupe avant leurs objectifs personnels, tandis que le climat compétitif se développe lorsque les désirs individuels priment sur les buts généraux.. Ces climats sont ainsi créés par le contexte (tâche, taille et cohésion du groupe) qui favorise ou inhibe le processus collectif de coopération.

Dans un climat coopératif, les différences d’opinions, les conflits de personnes et les propositions alternatives dynamisent l’action commune. La contribution de chaque membre est plus élevée, les messages plus pertinents, les tentatives d’influence et propositions de projets plus amicales et attentives que dans les groupes compétitifs.

Dans un climat compétitif, les décisions émergent sur un fond de suspicion et de méfiance des membres du groupe. Les individus tentent alors d’attribuer la responsabilité de cette situation désagréable aux autres membres, plutôt qu’au contexte et aux circonstances. Les prises de décision font l’objet de dilemmes qui sont gérés à travers les jeux de pouvoir des membres dominants qui détiennent les procédures, les thèmes et les règles de la décision. Des décisions inefficaces ou défectueuses émergent fréquemment de ces climats compétitifs.

Les conflits de contenu sont issus des différences d’opinions concernant les informations, les points de vue ou les contenus de la tâche du groupe. Ils émergent souvent dans l’étape de proposition de solutions de la prise de décision, spécialement quand les membres du groupe confondent les processus de production d’idées et l’évaluation de ces idées. Ces conflits peuvent être gérés par un rappel des procédures. Ils tendent à élever la qualité de la décision.

Les conflits de personnes sont liés aux aspects émotionnels des relations interpersonnelles. Ils naissent à la suite de vexations ou d’attaques personnelles visant à satisfaire des besoins individuels. Ces conflits développent une forte affectivité et tendent à stopper la progression du groupe vers ses buts.

Les conflits de procédure sont la conséquence de positions divergentes concernant le modus operandi du groupe, certains membres préférant un contexte de travail structuré alors que d’autres préfèrent un contexte modifiable selon les échanges, à partir de planifications implicites, sans ordre du jour, en utilisant les phénomènes affectifs et les capacités d’association des personnes.

Les processus conflictuels, destructifs ou productifs, qu’ils portent sur les contenus, les personnes ou les procédures, tendent à former des coalitions entre membres pour combiner leurs ressources, se soutenir les uns les autres et influencer le processus décisionnel.

Ces coalitions sont vitales pour le processus de décision. Elles conduisent à la constitution d’une majorité et d’une minorité qui permettent l’exploitation des différentes alternatives. Un jeu de pouvoir s’instaure : les membres dominants des coalitions majoritaires s’appliquent à « semer la discorde » dans les factions les plus faibles, alors que les membres dominés utilisent ces coalitions pour développer leur pouvoir et proclamer leurs opinions.

Le conflit stimule les interactions et accroît la qualité des décisions prises à condition qu’il n’entrave pas les relations interpersonnelles entre les membres et ne menace pas la coopération globale du groupe. L’intensification des conflits et de la discussion a pour effet d’augmenter l’implication collective des membres et d’entraîner des phénomènes de polarisation qui conduisent souvent un groupe à prendre des positions ou des décisions extrêmes.

La polarisation des opinions et des décisions

Un groupe prend plus de risques que la moyenne des propositions individuelles des participants, et ces derniers font des choix individuels plus risqués après avoir participé au groupe.

La polarisation dépend du niveau initial de position. Moins on prend de risques initialement, plus la prise de risque du groupe tend vers la prudence. Plus on prend de risques initialement, plus la prise de risque du groupe tend vers l’audace.

Au cours de la prise de décision en groupe, les décisions sont d’autant plus polarisées que :

- le groupe est composé d’individus dont les opinions s’écartent le plus les unes des autres avant le début de la réunion ;

- l’engagement individuel des membres du groupe est important ;

- la discussion est importante entre les membres du groupe ;

- les membres du groupe sont nombreux ;

- le degré de cohésion entre les membres du groupe est faible ;

- le groupe se situe par rapport à un groupe rival.

Ainsi les tensions, divergences et conflits augmentent la discussion et l’engagement des participants. Cet accroissement de participation amplifie les idées et les croyances, polarise les décisions et instaure de nouvelles normes de groupe qui influent à leur tour sur les positions que les membres du groupe prennent individuellement après la réunion.

La mise en place d’une structuration du travail, d’un ordre du jour, de définitions de procédures, de plans d’action, et l’usage du vote sans discussion amènent les groupes à tendre vers le compromis. Selon les invitations ou non à structurer le travail du groupe, le leader dispose de moyens susceptibles d’amplifier ou de contrôler le phénomène de polarisation.

RETOUR AUX LECTURES